Lalo Schifrin, musicien, compositeur, arrangeur argentin, originaire de Buenos Aires, a un parcours tellement irréprochable que ç'en est presque agaçant. Il a commencé la musique à bonne école. Son père Luis, est un chef d'orchestre de renom. Alors que Lalo se retrouve à la tête de l'orchestre national de Buenos Aires, un certain... Dizzy Gillespie, en tournée dans le pays- et accessoirement inventeur du be bop- le voit jouer, et lui propose d'intégrer sa formation. C'est ainsi qu'au début des années 60, Lalo part pour les Etats-Unis, devenant le pianiste attitré de Dizzy Gillespie. Cela ne l'empêche pas de séjourner en France. A Paris, il a étudié la musique avec le compositeur contemporain Olivier Messiaen, s'est lié d'amitié avec les jazzmen Michel Legrand, Stéphane Grappelli, avec lesquels il a "tapé la jam-session". C'est aussi en France qu'il signe un de ces premiers scores pour le cinéma. En 1964, René Clément lui commande la partition de son film Les félins. Le thème "The Cat", qu'on n'entend que brièvement dans le film, a été repris par l'organiste Jimmy Smith et est devenu un standard de jazz. A l'arrivée, un son inimitable, mélange réussi de jazz et de musique symphonique, nappes de cordes, flûte traversaire, contrebasse et percussions contribuent à instaurer le fameux "climax sonore" Cette recette miraculeuse, Lalo va la réinvestir, tout en y ajoutant d'autres références, dans ces scores suivants. C'est au cours de cette décennie qu'il va entamer une collaboration avec Bruce Geller, pour deux séries TV à succès Mission impossible et Mannix. Lalo sera même l'auteur du premier générique de Starsky et Hutch pour la saison 1, restée inédite en France (il y a eu trois génériques différents: les 2 autres étant signés Tom Scott et Mark Snow; aucun de ces génériques ne correspond à la chanson de la fameuse version française) En parallèle, il enchaîne films sur films. Cool hand Luke ( Stuart Rosenberg, 1967) part sur le terrain de la ballade folk. La même année, dans The fox ( Mark Rydell), il joue la carte de l'intimisme: hautbois et musique de chambre. Le thème principal est devenu célèbre parce qu'il a été repris dans la pub des collants Dim. Bullitt ( Peter Yates, 1968) lorgne vers le jazz west coast. Dans le réenregistrement de 1968 ( la partition originale n'a jamais été conservée), le guitariste californien Howard Roberts ponctue de ses riffs jazzy la cavalcade de Steve Mc Queen à travers les rues de San Francisco. Dirty Harry (Don Siegel, 1971) est rythmé par des gimmicks funk. Une section rythmique renforcée: un contrebassiste, Ray Brown, et une basse électrique, Karol Kaye, se greffent aux drums et aux tablas (des percussions indiennes). A noter que dans la suite des aventures de l'inspecteur Harry: Magnum force ( Ted Post,1973), il use du même procédé en faisant intervenir deux batteurs en même temps. C'est cette année qu'il compose le score de Enter the dragon, un film de kung-fu... avec Bruce Lee en vedette. Si ce film de Robert Clouse est surtout apprécié par les amateurs d'arts martiaux, la musique de Schifrin est un modèle: des cuivres aux accents " orientalisants" et "asiatisants" réhaussés par une basse omniprésente et peuplés d'onomatopées à la limite du parodique. Le tout est cultissime. Eclectique comme il se doit, Lalo s'essaie à tous les genres: films de capes et d'épée:The four musketeers ( Richard Lester, 1974), westerns: Joe Kidd ( John Sturges, 1972), science fiction: THX1138 (George Lucas, 1971) ou film de guerre:The eagle has landed ( John Sturges, 1976) Incontestablement, c'est dans la période des années 60-70 que Lalo se montre le plus inspiré. Sa créativité s'émousse quelque peu dans les années 80. Il en profite pour expérimenter le synthétiseur: Amythiville horror ( Stuart Rosenberg, 1979), Caveman (Carl Gottlieb, 1981) ou Sudden impact ( Clint Eastwood, 1983) s'orientent vers une sonorité plus moderne et plus electro. Ses travaux pour le cinéma deviennent sporadiques dans les années 90-2000. Faute de bonnes propositions, de motivation, Lalo Schifrin se consacre à de grandes oeuvres symphoniques. Récemment, il a signé les musiques de Rush Hour (Brett Ratner, 1998) et sa suite -il faut bien vivre- mais aussi de After the sunset (Brett Ratner, 2004) Lalo Shifrin est peut être un des compositeurs de musiques de films les plus attrayants. Il a réussi à populariser un genre qui, à la base, n'est pas accessible à tous. Le principal regret c'est qu'il n'ait pas trouvé de réalisateur à sa mesure, à l'instar du tandem Morricone-Leone ou de Herrmann-Hitchcock". En revanche, les films qu'il a "musicalisés", pour mineurs que soient certains, seront sauvés des oubliettes de l'Histoire grâce à leur bande son si caractéristique. Lalo Schifrin reste un innovateur. Il reste inscrit dans l'air du temps, dans la modernité. Ce n'est certainement pas un hasard, si avec Ennio Morricone, c'est l'un des musiciens de film les plus remixés par les dj's...
Voir lien: www.schifrin.com